Enquête sur un épistémicide –
Cold case rouvert par les épistémologies du Sud
Anne Salmon
Pour citer cet article
Salmon A., Enquête sur un épistémicide – Cold case rouvert par les épistémologies du Sud, Sciences et humanités en société - Epistémologie du Sud, 28/10/2018
Introduction
« Je pense donc je suis ». Cette formule, au cœur de l’épistémologie occidentale est le point d’appui sur lequel repose à l’âge classique la possibilité d’une connaissance
« objective ». Chez Descartes elle est encore garantie par Dieu. Mais l’affirmation a pour effet d’indiquer une polarité constitutive de la modernité : le sujet pensant comme
centre du monde intelligible. Cette centralité du cogito va de pair avec une coupure nette entre ce qui relève de l’humain, peu à peu identifié à l’âme, à l’esprit, à la raison et tout ce qui
s’en distingue absolument : le monde extérieur est alors pure matière.
Les épistémologies du Sud introduisent un grain de sable à partir du moment où elle demande à l’homme occidental : tu penses, soit, mais comment penses-tu ? Bien plus, en questionnant de la place
d’un Sud multipolaire et énigmatique pour celui qui est le centre, elles risquent d’orientaliser « le Nord ». Interroger de la place du Sud, c’est se situer du côté d’une altérité qui raisonne en
d’autres termes. Or, c’est ouvrir la boîte de Pandore. Car du point de vue de l’épistémologie « moderne », en dehors de la pensée telle qu’elle s’identifie peu à peu à la raison scientifique
et technique, il n’y a rien d’autre que la matière inerte et passive, muette comme un morceau de cire manipulable à merci. Le Sud prend symboliquement la place de tout ce qui avait été réduit au
silence comme pur objet à connaitre mais aussi à transformer afin de s’en rendre maître.1
D'où parlent les savoirs à vocation scientifique pour agir ainsi sur le monde inanimé ? L’enjeu est de taille. La réflexion ne relève pas du supplément d’âme. Elle est ancrée dans un terreau de
questions autour des coupures introduites par la science classique entre la culture et la nature, entre le sujet connaissant et l’objet à connaître, entre les sciences et les sociétés, entre les
connaissances savantes et le sens commun, entre la théorie et la pratique. Ces dissociations sont-elles tenables ? Sont-elles d'ailleurs véritablement abouties ? Quelles sont les conséquences
éthiques, sociales, économiques et politiques de telles tendances ? Qu'impliquent-elles au niveau des modalités d'interventions de l'homme sur l'homme et de l’homme sur la nature ?
L’épistémologie du Sud incite à revenir sur une construction intellectuelle située historiquement. A partir de quels problèmes spécifiques l’édifice épistémologique du Nord s’est-il établi pour
instituer de telles séparations ? En quoi ces solutions peuvent-elles être qualifiées « d’épistémicide » selon le néologisme utilisé par Sousa Santos? 2 A travers l’enquête proposée dans cet
article, il s’agit au final d’appréhender cette phrase assez énigmatique de ce même auteur : « nous avons des problèmes modernes pour lesquels il n'existe aucune solution moderne ».3
1. « L’épistémicide »
Le terme « d'épistémicide » employé par Sousa Santos suggère un crime systématique et de grande ampleur qu’il entend qualifier de manière précise comme les juristes ont coutume de le faire. Il
stimule notre propre enquête.
Des disparitions
L’épistémologie élaborée par l’Occident en même temps qu’elle est productrice d’existence en construisant des objets qu’une communauté de savants estime dignes d’être analysés, est discriminante
à l’égard de tout un pan de la réalité qu’elle fait disparaître. C’est ce que Sousa Santos met en évidence lorsqu’il propose d’assoir la critique de ce processus de disqualification sur une
théorie des absences4. Il met au jour la fabrique de « non-existences » qui se traduit par le fait que les entités invalidées disparaissent pour devenir invisibles ou défigurées « au point de
devenir inintelligibles. »5 Plusieurs manières de procéder sont possibles mais elles ont en commun une « même rationalité monoculturelle »6 identifiée à la rationalité formaliste et
instrumentale. Se plaçant du point de vue sociologique, il repère cinq logiques auxquelles il associe cinq formes de non-existence :
La première forme de non-existence est le fruit « de la « monoculture de la connaissance » qui « consiste à transformer la science moderne et la culture élitiste en critères exclusifs, l'une de
la vérité, l'autre de la qualité esthétique. »7 Il s’agit d’une invalidation qui conduit à ignorer ou à méconnaitre toutes choses qui n’entrent pas dans « les canons uniques » et limitatifs de la
production savante et artistique.
La deuxième repose « sur la « monoculture du temps linéaire ». Ici, il s’agit d’affirmer que l'histoire « n'a qu'un seul sens et qu'une seule direction. »8 Cette flèche du temps qu’elle soit
associée à l’idée de progrès, de développement, de croissance ou de mondialisation, assure une invalidation qui consiste à désigner comme passé-dépassé des pratiques, des savoirs, des
institutions, des êtres et leurs modes de socialité. « Cette logique produit de la non-existence en proclamant « rétrograde » tout ce qui, selon la règle de la temporalité, est asymétrique par
rapport à ce qui est considéré comme « avancé ». La disqualification a son vocabulaire : « primitif », « sauvage », « traditionnel », « prémoderne », « simple », « obsolète » et «
sous-développé ».9
La troisième est pour sa part fondée sur la « monoculture de la naturalisation des différences ». Il s’agit cette fois-ci d’une naturalisation des hiérarchies sur la base de classification des
populations. « Selon cette logique, la non-existence prend la forme d'une infériorité insurmontable parce que naturelle. Les peuples inférieurs sont inférieurs parce qu'ils le sont de façon
insurmontable et ne peuvent donc pas constituer une alternative crédible aux peuples supérieurs. »10
La quatrième est le fruit d’une invalidation de toutes formes de réalités au regard de « l'échelle dominante » qui en occident repose principalement sur deux piliers : l'universalisme et la
mondialisation. A l’aune de ces critères « les entités ou réalités définies comme particulières ou locales sont emprisonnées dans des échelles qui les rendent incapables de devenir des
alternatives crédibles à ce qui est supposé exister de façon universelle et mondiale. »11
Enfin, la cinquième forme de non existence est assurée par la logique productiviste qui repose sur la « monoculture des critères de la productivité capitaliste ». Ce critère invalide toutes
autres formes de production en les jugeant improductives, stériles ou irrationnelles du point de vue des objectifs de croissances et de profits.
Est-ce le propre de l’occident que de produire des absences ? Le sociologue ne répond pas vraiment à cette question qui mérite pourtant d’être posée afin de préciser la spécificité de ces
méthodes d’élimination d’altérités et d’alternatives.
Les mythes fournissent en effet, d’autres cas de disparition. Bon nombre d’entre eux en séparant le pur de l’impur, le nommable de l’innommable tracent une frontière étanche entre ce qui
appartient au monde et ce qui, rejeté à l’extérieur, est voué à disparaître. En ce sens, ils produisent à leur manière de la non-existence. Certains rangent, d’un côté, les êtres qui communiquent
avec les humains pour former le cosmos, et de l’autre, les êtres qui doivent être refoulés au-delà, dans le chaos. Il y a donc, disparaissant derrière de lourdes portes infranchissables, des
entités avec lesquelles nul contact n’est envisageable. Dans la Théogonie12, Hésiode explique que les Titans, après avoir été vaincus par Zeus sont enfermés aux confins monde. L’autre est ainsi
réduit à « un objet sans voix » et doit demeurer dans les ténèbres opaques, loin du monde ordonné par le roi de l’Olympe.
L’univers occidental moderne est très différent mais la réduction de l’autre « à un objet sans voix »13 n’est pas sa principale caractéristique. Ce qui est plus surprenant c’est que l’homme y
demeure, seul, entouré uniquement « d’objets sans voix » avec lesquels aucune connivence n’est possible. L’occident a produit une image du monde dans lequel, en dehors du sujet pensant, toute
existence est condamnée au silence : les non humains à l’évidence, c’est-à-dire, la « matière » inerte ou vivante, mais aussi parfois, certains humains (les colonisés, les femmes, et, dans
certains cas « les observés » des dispositifs d’enquête). En forçant le trait, on pourrait dire que la science qui appréhende ce monde silencieux est une puissance extraordinaire puisqu’elle
extrait la vérité de choses dont elle s’est préalablement assurée qu’elles étaient muettes, sans volonté, totalement passives, sans âme. Elles ne s’appartiennent pas en propre et sont mises au
service de celui qui les détermine et les pense.
Une qualification des faits
On comprend les menaces que représentent les alternatives qui défient les séparations que nous venons de repérer. Comme l’affirma Sousa Santos : « Beaucoup de mouvements sociaux dans
le sous-continent latino-américain construisent leurs luttes sur un savoir différent de celui des pays européens : un savoir ancestral, populaire, spirituel, qui n'a rien à voir avec le
scientisme. En outre, leurs conceptions de l'être et du vivant sont tout à fait dissemblables du présentisme et de l'individualisme occidentaux. Les êtres sont des communautés d'êtres plutôt que
des individus ; ces communautés incluent les ancêtres, les animaux et la Terre Mère. Nous sommes face à des conceptions non occidentales qui, afin d'être comprises et valorisées, requièrent un
travail de traduction interculturelle.»14
Le sociologue s’appuie sur deux principes pour appeler à une réévaluation des savoirs valides, scientifiques ou non.
- Le premier consiste à affirmer que « la compréhension du monde dépasse largement la connaissance occidentale du monde. »15
- Le second, en l’idée selon laquelle « la diversité du monde est infinie : elle inclut des manières très différentes d'être, de penser, de ressentir, de concevoir le temps, d'appréhender
les relations des êtres humains entre eux et celles entre les humains et les non-humains, de regarder le passé et le futur, d'organiser la vie collective, la production des biens et des services,
et les loisirs. »16
Ces deux prémisses situent la discussion sur un terrain terriblement dangereux puisqu’elles touchent à la façon dont l’occident a résolu les questions existentielles qui se posent à toutes les
communautés humaines : quelle est la situation de l’homme dans l’univers et quels rapports peut-il entretenir avec les êtres qui le composent ? La réponse occidentale semble très curieuse si, le
sujet-cosmos confronté à la matière-chaotique entreprend de purifier tout l’univers par ses interventions de mise en ordre, d’appropriation et de transformation.
C’est en cela, d’ailleurs que Sousa Santos, avec beaucoup de prudence, suggère que les problèmes qu’il soulève ont « à voir avec l'épistémologie, si ce n'est avec l'ontologie. »17 L’angle mort
qu’il éclaire est le lien entre l’épistémologie dominante et l’ontologie dominante. Or, ce lien oblige à envisager des traces persistantes, y compris dans la modernité, entre la physique et la
métaphysique. Tel est le sacrilège. Car pour l’homme occidental, il est évident que le savoir cristallisé, par exemple dans une centrale nucléaire n’a rien à voir avec l’ontologie ou la
métaphysique. Commencer à confondre sciences et humanités est de ce point de vue aussi inepte que de mélanger la connaissance théorique du savant et le savoir pratique de l’ouvrier ou de
l’artisan.
La dénonciation de l’épistémologie du Sud porte-t-elle principalement sur l’usage idéologique de la science ou incitent-elles à envisager que la science classique comporte intrinsèquement des
éléments épistémicides ? Et s’il faut pencher vers la seconde solution, comment les qualifier ?
La science grecque fournit une illustration du premier cas de figure. En effet, elle a été appelée à la rescousse pour justifier l’esclavage. Non sans difficulté, Aristote se prête à l’exercice
dans La politique. Il y a des cas écrit Aristote, où par nature, certains hommes sont libres et d’autres non. Il est donc « bienfaisant » et « juste » 18 ajoute-t-il que ces derniers
demeurent esclaves. Celui qui par nature tout en étant homme ne s’appartient pas à lui-même puisqu’il est possession d’un autre doit accepter d’être rangé parmi les « propriétés animées »19
et « les instruments d’action ». 20 Ainsi qu’on le voit ici, une idéologie scientifique peut chercher à chosifier une population en redoublant l’usage de la force par l’usage du discours.
Cette tentative de légitimation n’est toutefois pas du même ordre qu’un épistémicide.
Par épistémicide, nous comprenons, non pas simplement la mobilisation de raisons, de justifications, ou d’arguments d’ordre scientifiques visant notamment à chosifier et réduire au silence ceux
que l’on veut maintenir sous domination. Nous entendons plutôt une structure de pensée qui, par construction, repose sur le principe selon lequel toute connaissance exige une opération préalable
consistant à réduire « l’observable » à l’état « de chose sans voix » : un objet passif incapable d’interférer sur le sujet, instance centrale qui, exclusivement, produit la vérité « objective »
à son propos. Ce n’est donc pas l’utilisation détournée des outils scientifiques (le concept de nature, d’essence ou de loi) qui est en cause, mais l’outillage conceptuel lui-même.
Les sciences naturelles classiques sont parties du postulat que la matière, dénuée d’âme, ne pensait pas. Toute espèce de doute à ce sujet était étouffée afin de ne pas risquer de fissurer
l’édifice scientifique à sa base. De ce point, les controverses provoquées par les critiques de l’Ecole de Copenhague à l’encontre de la science classique sont intéressantes : certes, il n’est
pas question d’attribuer à l’objet « une âme » et la capacité de vouloir, d’imaginer ou de réfléchir, tout juste celle d’interagir avec le spectateur qui l’observe. Petite brèche dont les
conséquences métaphysiques n’ont pas manqué d’être repérées par les physiciens parmi lesquels Schrödinger, pour un débat particulièrement âpre. Mais n’allons pas trop vite à ouvrir les pièces de
ce dossier à charge contre la physique classique et par ricochet contre le scientisme en sciences sociales.
2. Cold Case
Les disparitions dénoncées par l’épistémologie du Sud ne datent pas d’aujourd’hui. Il faut donc reconstituer la scène d’épistémicide et retrouver les acteurs qui y ont joué un rôle. La mise en
perspective historique offre une méthode. Elle vise ici à recueillir des indices non pas pour identifier le ou les coupables, il n’en est pas encore temps, mais pour situer l’action, afin,
éventuellement de la requalifier à partir de l’examen du contexte dans lequel elle trouve ses possibles ramifications.
Une scène historique
Contextualiser ne veut pas dire dégager du réel embrouillé une ou plusieurs causes premières à partir desquelles en tirant les fils logiques on pourrait tout expliquer. Il s’agit plutôt de
repérer des conditions favorables, un terreau propice au développement d’une graine d’idée dont on voit dans l’après coup, qu’elle croît ici, mieux qu’ailleurs. L’image du terreau convient bien
car il implique un substrat composite qui par ailleurs n’explique jamais à lui seul pourquoi une graine déposée par le vent, s’y épanouie. L’idée qui nous intéresse, a plusieurs ramifications :
la valorisation de l’un au détriment du multiple et du centre par rapport à la multipolarité. Sousa Santos parle à ce sujet de monoculture.
Cette valorisation ne peut pas être déconnectée des enjeux politiques et religieux qui travaillent la société européenne à la charnière de la Renaissance et de l’âge classique. Cette période
trouble est celle où l’on s’accorde à situer les prémisses de la science moderne.
Sur le plan politique, la Renaissance est une période de transition. Dans toute l’Europe, la tendance est à la constitution de grands Etats centralisés bâtis sur les ruines du pouvoir des
seigneurs déjà dépassé par la royauté. Mais très rapidement, les conflits politico-économico-religieux à l’origine de guerres civiles ensanglantent les Etats dans la seconde moitié du 16ème
siècle. La menace d’éclatement a pour conséquence d’affaiblir l’universalisme chrétien et de renforcer le pouvoir royal, « seule autorité commune. »21 C’est en ce sens que la réforme peut
être considérée comme l’un des facteurs indirects de l’absolutisme aussi bien dans les pays protestants que dans les pays catholiques.
La souveraineté une et indivisible qui s’incarne désormais dans la figure du roi ainsi que dans celle du cogito suppose en creux, l’exercice continu et perpétuel de la puissance, s’étendant
désormais uniformément sur tout homme dans l’Etat et toute chose dans l’univers. Elle réclame un nouvel art de gouverner les hommes et les choses.
Les ressources idéelles de la science moderne lorsqu’elles entrent en résonnance avec les préoccupations politiques ont un poids considérable. Naturellement, il ne s’agit pas de prétendre que la
science a été forgée pour soutenir la monarchie en passe de s’absolutiser, mais de repérer des correspondances entre une nouvelle représentation de la puissance de l’homme dans le monde et une
nouvelle représentation du pouvoir du monarque face au peuple.
Face à la société disloquée dans laquelle des groupes s’affrontent sur les dogmes religieux, face aux contrées inconnues qui, depuis la découverte de l’Amérique bouleversent la carte du monde,
face au ciel étoilé rendu méconnaissable par les sciences physiques, les savants redéfinissent le centre, ce sera le sujet et sa raison ; ils affirment un principe de connaissance, ce sera
la mécanique ; ils précisent un langage, ce seront les mathématiques ; ils désignent un horizon : dominer la nature pour, comme le dit Bacon, s’approprier ses opérations à l'utilité du
genre humain.22 La philosophie se propose ainsi tel que l’énoncera Smith « de mettre à découvert les liaisons secrètes qui unissent les apparences si variées de la nature », incohérences
apparentes qui « semblent requérir une chaine d’évènements intermédiaires qui les lie avec quelques et rétablissent dans l’univers ce cours uniforme, cet heureux accord qui en fait un tout bien
lié. »23
En redéfinissant les rapports entre le sujet et l’objet, entre l’homme et la nature, c’est une promesse inouïe que le savant fait au politique : en suivant la nouvelle méthode, il est possible de
maîtriser ce qui échappe momentanément. La science parle un langage que le prince aime entendre, celui de la puissance, voire de la toute puissance dans un temps où conforté par les doctrines
politiques, le monarque se croit en mesure de régner en maître absolu.
Pour appréhender la transmutation des valeurs à la Renaissance, le sociologue Weber a insisté sur les facteurs religieux24, l’économiste Hirschman, sur les facteurs politiques25, l’historien
Braudel sur les facteurs sociaux26. Sous un autre angle, il apparait que les bouleversements épistémologiques perceptibles tout particulièrement dans la physique sont à prendre en considération
afin de saisir le moment où l’humanité glorieuse et souveraine, se situe comme le point de jonction entre un nouvel ordre du monde et un nouvel ordre politique.
L’enquête doit maintenant porter sur les présupposés épistémologiques qui constituent le sous bassement des qualifications ou au contraire des disqualifications des systèmes de pensée
alternatifs. Il faut donc poursuivre l’investigation en se focalisant sur de nouveaux indices pour saisir les facteurs qui orientent les représentations occidentales de la connaissance en
générale et de la valeur des savoirs.
L’enquête de Dewey
Dewey a largement contribué à élucider l’origine de ces présupposés qui, selon lui, sont issus de la science grecque. Les grecs ont effectivement légué à l’occident moderne un héritage à la
fois précieux et problématique qui consiste en la croyance en l’existence d’une sphère « de réalités fixes » qui surplombe un monde inférieur « occupé de ces choses muables auxquelles
l’expérience et les affaires pratiques se rapportent ».27 La théorie, en ce qu’elle est dévoilement du réel fixe et immuable devient le point d’appui exclusif des certitudes humaines. Dès que la
réalité primordiale est recherchée dans l’immuable et non le muable, le changeant, le variable et ses formes multiples et brouillées, « la prédisposition de la philosophie à l’universel,
l’invariable et l’éternel » est arrêtée : « Elle demeure le lot commun de la tradition philosophique toute entière. 28 (…) L’idée est à ce point familière, que nous négligeons la prémisse
non formulée dont elle dépend, à savoir que seul ce qui est complètement fixe et invariable peut être réel. »29
La métaphysique classique est influencée par le principe selon lequel la certitude repose sur l’accès à cet être essentiel (l’un) posé avant l’acte de connaître. La connaissance est donc
fondamentalement révélation ce qui veut dire que « Nous ne pouvons pas véritablement connaître les choses à la production desquelles nous participons, car celles-ci succèdent à nos actions plutôt
qu’elles ne les précèdent. »30
Comme le souligne Dewey, la quête de certitude conduit à une séparation entre deux régions hiérarchisées :
-celle des réalités ultimes et immuables, éternelles, domaine de la raison et de la connaissance,
-celle des réalités changeantes, muables et périssables, domaine de la politique ou de l’industrie des hommes.
Dewey insiste sur la formation de cette région de l’être immuable, l’un, ne tolérant ni changement ni variation afin d’être saisi par une intuition rationnelle, c’est-à-dire universelle et
nécessaire. Il est toutefois difficile de comprendre comment à mesure que cette « prédisposition de la philosophie à l’universel, l’invariable et l’éternel était arrêtée » dans le même temps,
devenant le socle de la tradition classique, elle a libéré l’énergie pratique, et ce jusqu’à un point inégalé, d’abord, chez les grecs (avant tout dans le domaine de la cité), puis, chez les «
modernes » dans celui de la nature.
Dewey permet de mieux cerner l’une des sources de la monoculture dont parle Sousa Santos, mais il ne permet pas totalement de saisir, pourquoi la science classique semble avoir déchaîné une
frénésie d’interventions de l’homme sur la nature et de l’homme sur l’homme. Dans l’occident moderne, contrairement à la Grèce antique, cette conception de la connaissance est allée de pair avec
une véritable emprise technique. Paradoxalement, la valorisation de la théorie et de l’abstraction a contribué à élargir le champ des pratiques à visée transformatrice du monde.
3. Complément d’enquête
Trois caractéristiques de la science classique méritent d’être soulignées en préalable.
- Le sujet pensant est esprit et cette particularité le distingue de la matière : tel un dieu, l’homme en tant qu’être doté de raison peut s’extraire du monde.
- Le sujet occupe dès lors une place très particulière : il est en position de spectateur à l’égard de toutes autres formes sensibles « non pensantes ». En tant qu’esprit, il est situé
au-delà du monde, mais en même temps, il est « non situé » matériellement par rapport aux êtres corporels qui se meuvent dans le monde avec lequel nulle connivence n’est possible.
- La certitude est du côté de la théorie qui en dernière instance, parce qu’elle se forme « dans l’esprit » peut suppléer aux incomplétudes de l’observation en forgeant un modèle sans
lacunes. Ce qui reconduit, tout en l’approfondissant, l’idée platonicienne selon laquelle la connaissance a bien plus à voir avec l’un qu’avec le varié, le multiple, le divers.
Ces idées alimentent des hiérarchies concrètes et notamment, le privilège accordé à la théorie sur la pratique qui mêle toujours gestes et pensées, matérialité et spiritualité. Elles sont
au fondement d’une graduation des savoirs allant du plus abstrait-absolu au plus concret-situé. Seul le pur esprit a accès à la pure certitude.
La science occidentale n’est pas sans rapport avec les incertitudes et l’angoisse provoquées par la nouvelle cosmologie infinitiste et héliocentriste. L’épistémologie du nord s’enracine dans une
double quête de certitude, c’est du moins sur ce point que nous allons maintenant enquêter : l’une sur laquelle Dewey fixe son attention est matérielle, l’autre, sur laquelle nous allons
insister, est existentielle. La science classique, contrairement à ce que l’on avance habituellement n’a pas délaissé la seconde au profit de la première.31
Une double quête de certitude
Le grand récit de la modernité se construit autour de l’idée selon laquelle la maîtrise technique aurait permis à l’homme occidental de se libérer de l’angoisse face au sentiment d’impuissance à
l’égard des forces qui lui échappent. Il se structure autour de la coupure entre primitif et civilisé incarné d’un côté, par le sauvage qui, incapable de maîtriser les forces de la nature, se
serait réfugié dans la magie ; de l’autre, le civilisé qui, grâce au développement des sciences et des techniques par lesquelles il soumet la nature, confierait désormais sa destinée au seul
pouvoir de la raison. Entre l’homme primitif et l’homme moderne se creuse ainsi un fossé infranchissable autour de deux manières d’être :
- le premier, réduit par le second à son ignorance et son inexpérience, s’effraye du monde qu’il peuple de démons entretenant par là sa terreur.
- Le second, parce qu’il a moins d’occasions de sentir sa faiblesse ne recourt plus aux êtres invisibles que l’ignorance avait contribué à forger. Ainsi que l’affirme Smith « Mais dès que la
loi eut établi l’ordre et la sécurité, et que la subsistance eut cessé d’être précaire, la curiosité des hommes s’accrut, et leurs craintes diminuèrent.»32
Cette idée communément admise par les penseurs du 18ème siècle reste ancrée y compris chez des auteurs qui au début du 20ème siècle, tel Dewey, interrogent les présupposés sur lesquels s’établit
la pensée occidentale.
- A l’homme primitif le sentiment d’impuissance à l’égard des périls pouvant survenir au contact d’une nature dont il n’aurait pas encore appris à se protéger. Comme le dit Dewey, en
l’absence de ces moyens de défenses que constituent les outils et les instruments le danger l’assiégeait « sans relâche ».33
- A l’homme moderne, le sentiment plus ou moins conscient, d’une relative quiétude liée à la sécurité et à la confiance dans les protections qu’apportent les arts et les techniques.
Dans ce schéma, l’angoisse humaine se rapporte aux aspects les plus matériels des conditions d’existence. La pensée moderne pour affronter les vicissitudes de la vie, aurait substitué « au salut
par les rites et les cultes », « le salut par la raison ». Cette seconde solution moins « fruste » 34 que la première serait source d’apaisement, l’humanité pouvant se prévaloir de
méthodes plus fiables dans sa quête de certitude.
On peut voir les choses sous un autre angle à partir du moment où l’on soupçonne chez l’homme occidental une frayeur au moins aussi grande que celle que l’on attribue au sauvage. Mais cela
suppose d’envisager ces craintes en distinguant deux sources d’angoisse :
- d’une part, les peurs d’ordre matériel qui peuvent conduire à vouloir maitriser les évènements et le cours des choses soit par l’alliance avec les puissances mystérieuses, soit par la
conquête de la nature grâce à la technique
- d’autre part, les craintes d’ordre existentiel relatives à la place de l’homme dans le monde. Or, de ce point de vue, les réponses proposées par les mythes sont très élaborées et il est
difficile de les balayer d’un revers de main au regard des critères reposant exclusivement sur la sécurité matérielle qu’aurait acquis l’homme moderne.
En occident, deux éléments ont tenu, pendant de nombreux siècles, le monde à peu près stable : en premier lieu, la théorie des idées fixes dont le socle se maintient durablement, bien au-delà de
la philosophie antique, pour constituer le terreau sur lequel se développe la métaphysique occidentale. En second lieu, la cosmologie grecque qui, d’Aristote jusqu’à la fin du Moyen Age offre une
image de la place de chacun. Cet édifice n’a pas été le moteur d’une quête de sécurité matérielle stimulant le progrès technique tel que nous le rencontrons de nos jours. Par contre, il faut
reconnaitre qu’il a été capable d’apaiser l’angoisse existentielle en apportant des réponses durablement admises. L’homme occidental, avait confiance dans cette représentation du cosmos et de la
situation des êtres en son sein. Il la tenait pour acquise.
A la Renaissance l’édifice s’est fissuré. Les découvertes de la science dans un contexte de crise religieuse ont effectivement bousculé la situation qui installait l’humanité au sein d’une
hiérarchie des êtres et qui délimitait les frontières entre le déterminé et l’indéterminé, entre le connaissable et l’inconnaissable. Tout s’est brouillé au point qu’il a été nécessaire de tout
réorganiser. Aux questions qu’est-ce que l’homme dans l’univers ? Quelle est sa place ? D’où vient-il ? Où va-t-il et quelle est sa vocation ? Il serait tentant d’imaginer que la science moderne
a cessé d’y répondre en se détournant d’une quête de certitude existentielle pour se lancer dans une quête de sécurité matérielle pour améliorer « les conditions de vie » sans se soucier des «
conditions d’existence » dans le monde.
Or, que le cosmos clos ait été ébranlé ne signifie pas que l’humanité soit demeurée errante et perdue dans l’univers infini. A la recherche d’une nouvelle situation dans le monde, l’homme
occidental l’a redéfinie : perdant sa place au sein du cosmos clos, il est devenu le centre mouvant de l’univers infini. De cette position, il a recomposé les frontières entre le pur et l’impur,
entre le connaissable et l’inconnaissable forgeant une nouvelle méthode pour appréhender le réel. C’est en ce sens que la science classique fournit une réponse à l’angoisse existentielle. En tant
qu’être esprit spectateur du monde, l’homme se soustrait aux menaces d’effondrement du cosmos et à ses pires conséquences : le retour au chaos. La quiétude de l’homme occidental s’obtient au prix
de ce retrait fruit d’une métaphysique dressant un rempart protecteur face à la nature chaotique dont parle Bachelard. Ce monde étranger avec lequel nulle communication n’est possible,
celui dont Pascal s’effrayait, est aussi celui que l’on se prend désormais à imaginer comme un morceau de cire que l’on peut modeler pour son propre usage.
La question peut être reformulée en renversant les termes avec lesquels on a l’habitude de la formuler : comment expliquer que la quête de certitude existentielle et les solutions esquissées à
partir de la Renaissance aient engendrées une recherche de sécurité matérielle qui s’est traduite par un développement inédit des techniques visant la transformation de la nature pour s’en
approprier les opérations ? Quels liens établir entre la posture d’extériorité de l’homme à l’égard de la nature telle qu’elle est définie par la science moderne et l’aspiration du sujet à
la domestiquer en la modifiant ?
Les éléments qui précèdent fournissent un argumentaire suffisamment étayé pour être soumis à la discussion : la sécurité existentielle et la sécurité matérielle ne peuvent être subsumées sous le
vocable de « quête de certitude » occidentale tel que Dewey le conçoit. Ce terme dont la valeur heuristique est incontestable, en restant trop général entraîne une confusion entre deux dimensions
distinctes de l’angoisse humaine tout en invisibilisant certains traits caractéristiques de la pensée moderne.
Une impunité par principe
Dire que la science classique a délaissé la quête de certitude existentielle au profit de la recherche de sécurité matérielle est une erreur. Chez Galilée, le sujet pensant est comme un
Dieu. Pour Kant le sujet devient l’instance quasi divine, qui impose sa loi au monde.
L’efficacité de la science à résoudre des problèmes matériels a contribué à faire oublier qu’elle avait aussi tranché des questions d’ordre existentiel tout en paraissant les avoir négligés. Or,
elle prend appui sur une conception de la situation extra-matérielle de l’homme « spectateur » de la nature. Cette position extra naturelle confère au sujet une puissance inédite. Elle le
situe, non plus dans le monde, place attribuée par Dieu, mais au-delà, place attribuée à Dieu.
La critique de l’Ecole de Copenhague porte sur ces présupposés. C’est à partir de la remise en cause de la conception réaliste de la matière que la physique quantique introduit des doutes quant à
la posture du scientifique face à une nature dont il se serait totalement extirpé : « nous devons nous rendre compte que nous ne sommes pas spectateurs mais acteurs dans le théâtre de la
vie.» 35
Les savants ont bien compris les conséquences métaphysiques de cette nouvelle perspective. Certains, tel Schrödinger,36 ont immédiatement tenté de sauver le principe de la séparation entre
l’esprit et la matière, entre la pensée pure et le système physique afin de garantir au sujet cette position de surplomb. Selon lui, l’entremêlement du sujet et de l’objet dans l’acte
d’observation comporte effectivement, comme l’affirment Bohr et Heisenberg un élément nouveau. Il consiste à considérer que l’influence physique directe et causale, entre ces deux instances est
mutuelle.
Cet aspect de la théorie qu’il reconnaît comme plus adéquat dans la mesure où « une action physique est toujours une inter-action »37 n’est valable selon lui, qu’en tant que le sujet qui observe
possède un corps qui entre en inter-relation physique avec la matière observée. Par contre, et c’est par là qu’il pense pouvoir préserver la métaphysique héritée de Descartes, il insiste sur le
fait que l’esprit humain n’étant pas un système physique, il ne peut inter-agir avec l’objet. Voilà pourquoi, en réservant le terme de sujet à « l’esprit qui observe »38 il cherche à
maintenir la coupure classique entre l’homme-esprit spectateur et la nature-matière observée.
Comment de cette place, l’homme est-il devenu un technicien virtuose ? Comment ce retrait du monde a conduit parallèlement à cette frénésie d’actions sur le monde ? En combinant les deux
aspects de la quête de certitude, une solution se dessine.
Dans les conceptions qui pensent la relation de l’homme au monde comme un rapport d’implication, l’activité pratique comporte toujours une menace. La manipulation des êtres risque de modifier les
places au sein de l’ordre établi par une instance divine. La pratique et l’action sont dangereuses moins parce qu’elles peuvent avoir des conséquences matérielles, que parce qu’elles ont des
conséquences existentielles. Elles peuvent bouleverser l’harmonie du monde. Ainsi, dans cette d’économie politique de la « nature », s’interdire de prélever les ressources au-delà du nécessaire
n’est pas nécessairement liée à la crainte de la pénurie provoquée par une activité humaine trop intense. Le tabou s’enracine dans la crainte d’une rupture des équilibres entre les êtres dont les
relations de connivences fondent le « cosmos ». Le déséquilibre en brouillant les identités différenciées et hiérarchisées pourrait les faire retomber les unes sur les autres, les entraînant dans
le chaos. C’est bien cette terreur qui est au coeur du mythe d’Hésiode : le processus de différenciation des êtres (ici des dieux) est réversible. A tout moment, ce qui est sorti du chaos, peut
retourner dans le magma de l’indifférenciation et de l’indéterminé.
Tant que la sécurité existentielle est garantie par une instance fixant la place de l’homme dans le monde, l’action comporte toujours le risque que les bouleversements d’ordre matériel aient des
conséquences sur la sécurité existentielle de l’homme. La dangerosité de la pratique tient au fait qu’en interagissant avec les êtres qui peuplent l’univers, l’homme peut ébranler les positions
qui assurent, dans un cadre hiérarchisé, qu’à chaque être identifié correspond une place déterminée, un territoire délimité qui fixe à la fois les identités les unes par rapport aux autres et,
pour chacune, les sphères d’actions qui lui sont propres.
A partir du moment où la modernité assure une coupure nette entre l’esprit et la matière, alors, le processus de transformation de la nature-matière par le sujet esprit, n’a aucune conséquence
sur sa sécurité existentielle c’est-à-dire sur son identité qui repose désormais tout entière dans le fait d’être spectateur de la vie. Le monde matériel terrain des expériences peut être
modifié, il n’aura pas d’incidence sur l’esprit détaché du monde, qui, comme le soulignait Schrödinger ne peut être en inter-action avec l’objet manipulé et ne peut être affecté par ces
transformations même si elles s’avèrent périlleuses. En ce sens, l’activité humaine à travers les sciences expérimentales et les techniques peut courir le risque de perturber l’harmonie du monde.
La posture extra naturelle conduit à une irresponsabilité de l’homme qui ne craint les contres-coups de son action sur le monde. Rien, et surtout pas les soubresauts des éléments troublés, ne
fera vaciller son être. Ce jusqu’au moment peut-être où il apparaît que l’esprit pur que l’on croyait à l’abri des retombées possibles de ses actes, et, ce, malgré toutes les protections
métaphysiques dont il était entouré, soit frappé de terreur à l’idée que la surpuissance acquise puisse l’anéantir.
Conclusion
Ainsi que le souligne Levy-Leblond la puissance nucléaire a fait basculer l’histoire : « C’est peut-être la dernière et plus fondamentale spécificité de l’armement nucléaire, que d’avoir été une
application immédiate d’une découverte scientifique, assumée par les savants eux-mêmes. Bien sûr, pendant la Première guerre mondiale, l’utilisation des gaz de combat reposa sur la chimie, et
l’aviation sur l’aérodynamique. Et il serait facile de trouver des exemples bien plus anciens d’applications militaires des connaissances scientifiques et techniques. Mais jamais le couplage
entre la science et la destruction n’a été plus étroit que dans la mise au point des armes nucléaires, ce qui nous a fait basculer dans une période historique toute nouvelle, où ce risque est
permanent, et ne concerne pas seulement la physique, mais aussi la chimie, la biologie, etc. – et même les sciences humaines et sociales. »39
La bombe nucléaire est un évènement décisif : l’homme ne peut plus croire qu’il peut agir dans le monde sans mettre en jeu sa sécurité existentielle. La puissance qu’il a acquise est telle que sa
situation extra naturelle, celle qui en principe, le préservait ontologiquement des retombées des manipulations de la nature, ne garantit en rien sa place dans le monde. S’ouvre ainsi une crise
existentielle qu’il serait vain de vouloir apaiser par la recherche exclusive de sécurité matérielle.
« Nous avons des problèmes modernes pour lesquels il n'existe aucune solution moderne ».40 Cette formulation étrange de Sousa Santos peut prêter à confusion, si elle situe comme on a
tendance a le faire, la modernité et ses problèmes sur le terrain de la quête de certitude matérielle. Or, justement, l’urgence est peut-être moins d’avancer des solutions (« modernes » ou non)
que de requalifier « les problèmes » en tenant compte, à la fois des dimensions matérielles et des dimensions existentielles. De ce point de vue, la variété qu’offrent les sociétés humaines
qu’elles se réclament des épistémologies du Sud ou du Nord, est une richesse. Pour être prise en compte, peut-être faudra-t-il que, de part et d’autre, on accepte de se pencher sur des
interrogations communes : au fond, de quoi avons-nous raison d’avoir peur ? Belle question de Stengers41 par laquelle nous choisissons de clore cette étape de notre enquête.
Notes
1 R. Descartes, Discours de la méthode : pour bien conduire sa raison et chercher la vérité dans les sciences, V. Palmé, Paris, 1881, pp. 100-101.
2 B. de Sousa Santos, « Épistémologies du Sud », Études rurales [En ligne], 187 | 2011, mis en ligne le 01 janvier 2011, URL :
http://journals.openedition.org/etudesrurales/9351, snp.
3 Idem, snp.
4 Idem, snp.
5 Idem, snp.
6 Idem, snp.
7 Idem, snp.
8 Idem, snp.
9 Idem, snp.
10 Idem, snp.
11 Idem, snp.
12 Hésiode, Théogonie, Texte établi et traduit par P. Mazon - Introduction et notes par G. Pironti, Société d’éditions Les Belles Lettres, Paris, 2012.
13 B. de Sousa Santos, « Épistémologies du Sud », Études rurales [En ligne], 187 | 2011, mis en ligne le 01 janvier 2011, URL :
http://journals.openedition.org/etudesrurales/9351, snp.
14 Idem, snp.
15 Idem, snp.
16 Idem, snp.
17 Idem, snp.
18 Aristote, La politique, Nouvelle traduction avec introduction, notes et index par J. Tricot, Librairie Philosophique J. Vrin, Paris, 1995, p.42.
19 Idem, p.35.
20 Idem, p.37.
21 G. Lepointe, Histoire des institutions et des faits sociaux (987-1875), Editions Montchrestien, Paris, 1956, p.328.
22 F. Bacon, Nouvel Organum, Livre deuxième, in, Oeuvres de Bacon / traduction revue, corrigée et précédée d'une introduction par M. F. Riaux, éditeur Charpentier, Paris, 1843-1845, pp.
141-142.
23 A. Smith, De l’origine de la philosophie, dans Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Edité et préfacé par G. Mairet, Gallimard, Paris, 1976. p.440.
24 M. Weber, L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme suivi de Les sectes protestantes et l’esprit du capitalisme, traduit de l’allemand par J. Chavy, Plon, Paris, 1964.
25 A.O Hirschman, Les passions et les intérêts – justifications politiques du capitalisme avant son apogée, traduit de l’anglais par P. Andler, Presses Universitaires de France, Paris,
1980.
26 F. Braudel, La dynamique du capitalisme, Flammarion, Paris, 2008, p.68 et suivantes.
27 J. Dewey, La quête de certitude – Une étude de la relation entre connaissance et action, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par P. Savidan, Gallimard, Paris, 2008, p.36.
28 Idem, p.39.
29 Idem, p.41.
30 Idem, p.41.
31 A. Salmon, Imaginaire scientifique et modernité ordinaire - Une histoire d’électricité, Iste Editions, Londres, 2018.
32 A. Smith, Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Edité et préfacé par G. Mairet, Gallimard, Paris, 1976, p.439.
33 J. Dewey, La quête de certitude – Une étude de la relation entre connaissance et action, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par P. Savidan, Gallimard, Paris, 2008, p.29.
34 Idem, p.23.
35 W. Heisenberg, La nature dans la physique contemporaine, traduit de l’allemand par U. Karvelis et A. E. Leroy, introduction par C. Chevalley, Gallimard, Paris, 2000, p. 127.
36 E. Schrödinger, Physique quantique et représentation du monde, Introduction et notes par M. Bitbol, Seuil, Paris, 1992, pp.69-72.
37 Idem, p.72.
38 Idem, p.72.
39 J-M., Lévy-Leblond, L’atome expliqué à mes petits- enfants, Le Seuil, Paris, 2016, p..98.
40 B. de Sousa Santos, « Épistémologies du Sud », Études rurales [En ligne], 187 | 2011, mis en ligne le 01 janvier 2011, URL :
http://journals.openedition.org/etudesrurales/9351,
41 I. Stengers, L’invention des sciences modernes, Flammarion, Paris, 1995, p. 179.
Bibliographie
Aristote, La politique, Nouvelle traduction avec introduction, notes et index par J. Tricot, Librairie Philosophique J. Vrin, Paris, 1995.
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